La « Chancelière des réfugiés » en difficulté
A l’automne 2015, Angela Merkel avait fait figure d’exemple en Europe, en adoptant une politique migratoire favorable à l’accueil des réfugiés. En quelques mois, la situation a changé. Elle semble désormais isolée, aussi bien sur la scène européenne, que dans son propre camp. Depuis les agressions du soir de la Saint-Sylvestre à Cologne, l’opinion publique allemande est en effet de moins en moins convaincue par le projet de la Chancelière. Le vent a définitivement tourné en Allemagne. Cela peut déjà être perçu dans la côte de popularité de Merkel. Selon un sondage récent de Bild, la coalition CDU-CSU ne récolte plus que 34% d’opinions favorables.
Dès le mois d’août dernier, Les Yeux Du Monde percevait que la crise des réfugiés allait être un défi colossal pour Merkel. Il s’agissait d’un double défi. Tout d’abord, face à l’urgence, la Chancelière devait réagir rapidement. Elle devait donc rompre avec sa méthode traditionnelle des petits pas. De plus, elle devait parvenir à convaincre ses partenaires européens à adopter une politique d’accueil à l’échelle du continent, afin d’éviter un échec cuisant dans la gestion de cette crise.
Merkel a réagi rapidement face à l’afflux toujours croissant de réfugiés. Ses prises de position lui ont même valu de recevoir le surnom « chancelière des réfugiés », de la part de l’écrivaine Ruth Klüger. L’Allemagne est rapidement devenue un pays d’accueil pour les migrants en provenance de Syrie, ou encore d’Iraq. Cependant, ses partenaires européens lui ont rapidement tourné le dos. La mise en place d’un plan global, basé sur des quotas, n’a pas séduit à Bruxelles. Désormais l’accent est mis sur la sécurisation des frontières, pour réduire le nombre de migrants.
L’obstination de la Chancelière ne séduit même plus son propre camp. Après les agressions sexuelles, causées par des réfugiés, ayant eu lieu à Cologne, et de façon plus marginale à Hambourg, le 31 décembre 2015, la politique migratoire devient de plus en plus dure à défendre. Wolfgang Schauble, le Ministre des Finances, s’est toujours montré très critique des positions de Merkel sur ce thème particulier. Il en est de même pour le Ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière. Toutefois, face à la fermeté de Merkel, aucun des sceptiques n’ose s’opposer directement à elle.
En vue des élections régionales du 13 mars prochain, il serait préférable pour la majorité CDU-CSU en place de redresser la barre. La tâche s’annonce compliquée. Actuellement, la seule issue pour Merkel paraît être la fuite en avant.
La Chancelière ne peut pas revenir totalement sur sa politique migratoire, sur les mesures qu’elle a prises, et encore moins sur les chiffres annoncés. Reconnaître un échec aussi important pourrait l’obliger à démissionner, car son camp ne la soutiendrait plus. Il s’agirait donc d’un véritable harakiri politique. Cette option n’est pas tout simplement pas envisageable pour elle. Merkel essaye donc de sauver les meubles en affirmant que les conditions d’obtention du droit d’asile seront durcis, et surtout, que les réfugiés devront repartir dans leurs pays d’origine, une fois la situation apaisée dans ceux-ci. De plus, elle a promis que les responsables des agressions ayant eu lieu le soir du réveillon seront punis, et envoyés dans un pays-tiers.
L’Allemagne voit encore arriver près de 4000 demandes d’asiles tous les jours. Le problème est donc encore loin d’être réglé. Pour cela, il faudra tout d’abord réussir à arranger la situation dans les pays concernés. Le chemin est encore long. Une seule certitude demeure aujourd’hui : la crise des réfugiés laissera une marque profonde dans le troisième mandat de la Chancelière Merkel, femme la plus puissante au monde en 2015, selon Forbes.